Imaginal

peinture de Marijk

Imaginal

 

Toutes les fictions, projections, fantasmes

Sont des imputations imaginaires.

Tant qu’on en ignore leur co-émergence d’apparence/vide

Nous serons sous l’emprise de la soif discriminante

Qui gâche la festivité de la nature innée.

 

Place-toi en la racine d’où l’image advient (tib. mi lam [1] ).

Cauchemar ou rêve, cela reste le sceau de l’Imaginal.

Illusion ou éveil, il se prête à tout.

Que l’on acquiesce ou que l’on réfute

Son langage a le secret de l’évidence.

 

Sa signifiance est loisible (sambhoga) en toute occasion.

Sa toute relativité (nirmana) est la bienfaisance (sugata) même.

Son mantra [2] intime coule dans nos souffles de l’âme.

Son oraison résonne aux portes des six mondes.

Sa voix s’immisce en toute expression.

Sa transmission est aurale.

 

Quoi qu’on pleure, quoi qu’on hurle, quoi qu’on taise

C’est toujours de notre cœur que l’on parle.

Ne cessons donc pas de parler de soi et de l’autre,

Entre nous, du monde et de la vie,

De la mort et du temps qu’il fait.

 

La futilité est le luxe de son abondance

Et son silence n’a rien trouvé de mieux

Que l’escorte des mots,

Bruissement de notre frêle humanité

Qui n’est pas prête de s’éteindre

N’en déplaise aux rabat-joies.

 

Lama Shérab Namdreul (août 2023)

 

 

 



[1] Plutôt que « yoga du rêve » il me semble plus juste de parler de « yoga de l’imaginal ».

[2] Après les yogas de la récitation extérieure et intérieure lors de la phase de génération (tib.kyé rim), vient le yoga de la célébration (tib. ngak) secrète, intime (tib. sang) de ce qui nous est caché en raison de notre ignorance. C’est la célébration du Verbe quand le mental (sct. manas, tib. yid) est préservé (sct. tra, tib. kyob) du discours imputatif.