"Le Joyau de cristal"
ou
la vie libératrice de Namtrul Jigmé Phuntsog
Ses tendances sublimes s’étant éveillées
dès sa prime enfance, son esprit possédait
naturellement le renoncement qui détourne de l’attachement au
samsara, l’esprit d’éveil qui aspire à accomplir le
bien d’autrui ainsi que la vision pure du monde
phénoménal. Aussi, lorsque le vénérable
voyait les autres enfants tuer des insectes ou autres
créatures, sa compassion était telle qu’il
éclatait en sanglots, ne pouvant le supporter. Il
s’efforçait, par tous moyens, de protéger la vie des
êtres. Tout en jouant, il se comportait comme s’il enseignait
le Dharma aux autres enfants. Il imaginait qu’il était dans un
monastère et construisait constamment des répliques de
temples, de statues et de maints autres supports du Corps, du Verbe
et de l’Esprit des Bouddhas.
À cette époque, le vénérable eut une
expérience de clarté visionnaire dans laquelle
Samantabhadra trônait dans son cœur en union avec sa
parèdre tandis que l’ensemble des déités
paisibles et courroucées siégait dans tous ses canaux
subtils et ses chakras, au centre d’un palais arc-en-ciel, tel un
monceau de grains de moutarde ouverts.
Le Grand d’Oddiyana et le vénéré Manjoushri
demeuraient continuellement au niveau des épaules gauche et
droite du vénérable. Or, une démone à
l’aspect repoussant s’apprêta un jour à l'agresser
férocement. Aussitôt, le Grand d’Oddiyana et Manjoushri
embrasèrent qui son vajra, qui son épée. La
diablesse fut soumise et chassée ailleurs. Dans toutes sortes
de visions pures, le vénérable rencontrait les
déités ainsi que les maîtres spirituels, recevant
leur protection et leurs prophéties. Avec les yeux de la
sagesse sans voile, il pouvait voir tous les plaisirs et toutes les
douleurs de l’ensemble des vivants et des morts.
À l’âge de sept ans, il commença
l’apprentissage de la lecture en épelant les mots avec
Samtsé, son oncle maternel. Il apprit les voyelles et
consonnes, et assimila le texte du Kangloma. Or, l'oncle dut
subitement se rendre dans la région de Nga-yul et le
vénérable en profita pour jouer et paresser, sans
jamais s’exercer à écrire une seule lettre. Au bout
d’un mois, lorsque son oncle revint au pays, il lui demanda :
« as-tu appris des mots ? ». les gens de la
maison expliquèrent, sans rien dissimuler, les raisons pour
lesquelles il n’avait pas étudié. L'oncle
réprimanda durement le vénérable. Sensible et de
faible constitution, il versa alors de chaudes larmes et s'endormit.
Au matin, il ouvrit le livre du Karling Shithro et le lut
à haute voix, du début jusqu’à la fin,
aisément et sans interrruption. Tous s’en
émerveillèrent et eurent résolument foi en lui.
Dès lors, bien qu’il n’eut appris aucune lettre ni aucun mot,
il les connaissait pourtant naturellement. De surcroît, il
assimila spontanément l’écriture, la médecine et
la peinture, etc. En une journée, il réussit même
à recopier la version longue du Soutra de la grande
Délivrance.
À huit ans, lorsque le vénérable se rendit
auprès de Khen Rinpoché Jigmé Sengé pour
recevoir les préliminaires du Longsel Nyingthig, il lui rendit
hommage le premier jour en se prosternant à ses pieds et,
après avoir posé sa main droite au sol,
révéla un coffret à trésors en
précieux alliage et supportant l’emblème d’une
épée au cœur d’un lotus. Il l’offrit au Lama et
celui-ci de répondre : « cette circonstance
auspicieuse augurant bien de toutes les bonnes choses à venir,
c’est vraiment merveilleux » et il lui jeta encore et
encore des fleurs de louange. Dès lors, le karma des profonds
trésors spirituels s’éveilla en lui et il obtint maints
termas extraordinaires, tels que coffrets, épées et
objets rituels.
Tous les ouvrages qui lui étaient enseignés dans le
domaine des soutras et des tantras par des maîtres tels que
Khen Rinpoché Jigmé Sengé, Rigzin Khachö
Dorjé ou Khen Jigmé Déchen, qu’il s’agisse par
exemple du manuel d’instruction de l’établissement de
l’attention ou encore du sens authentique des trois vœux, il
suffisait qu’il les entende pour les retenir et son érudition
ne tarda pas à être connue.
Shouchen Bairo Mingyour Yéshé Dorjé
étant venu au monastère, il reconnut en lui la
réincarnation de Shouchen Namtrul Jigmé Ösel
Rigpai Dorjé, ce qui fut confirmé par Dzongsar
Khyentsé Rinpoché Jamyang Chökyi Lodrö ou
Péma Yéshé Dorjé.
Shouchen Kunzang Nyima le prit sous sa houlette avec grande
affection. à l’image d’un vase que l’on remplit à ras
bord, il lui conféra initiations, transmissions, instructions
et préceptes connexes, lui transmit le Trésor de Joyaux
de la Dimension absolue, l’entière tradition de Dudul
Dorjé et de Longsel Nyingpo, ainsi que ses propres
enseignements au complet.
À Shouchen Kharmar Ling, branche orientale du
monastère des victorieux Kathogpa, ce pilier vital aux
enseignements de la grande doctrine secrète, le
vénérable fut installé sur le trône du
lion intrépide et investi du pouvoir intégral sur le
religieux et le séculier.
« Le liseron de la foi »
ou
la vie libératrice de Khandro Taré
Samantabhadri1, béatitude non née et
spontanément apparue ;
Varahi, auto-manifestation non obstruée du
Sambhogakaya ;
Dame Tsogyel, jeu d’émanations de la coalescence :
Devant les Trois Corps indivisibles et l’assemblée des
dakinis, je m’incline !
Comme l’éclat des cent mille feux du soleil
Éclaboussant les particules de lapis de la montagne
axiale,
Ô dame de lumière au lotus bleu en fleur,
Révérée dame Taré, demeurez dans le
chakra de la félicité !
Dans votre grande tendresse déferlant comme les vagues sur
une mer de lait,
Déesse au corps splendide [comme] une pleine lune, [vous
chantez] la mélodie de la sagesse primordiale.
Que l’harmonique du sitar et de votre chant mêlés
Octroient encore l’accomplissement du verbe intarissable !
Sur toute l’étendue du pays des neiges amoncelées,
Vous êtes le soleil qui fait fleurir le jardin de lotus du
grand arcane.
Reine des cent mille dakinis, Taré est votre nom.
Demeurez dans mon cœur en ornement de l’indestructible
bindou !
Pour que le collier de gemmes de cette merveilleuse hagiographie
se propage
En une nuée d’offrande qui réjouira les êtres
fortunés sans partialité,
Ô gourou, yidam, dakinis et océan des gardiens
assermentés de la Doctrine,
Apportez votre soutien !
la sublime Khandro Rinpoché Taré Déchen
Gyelmo est une émanation du verbe de la mère des
Vainqueurs, Vajravarahi. ayant rassemblé jadis les deux
accumulations à la manière d’un océan au cours
d’innombrables périodes cosmiques, elle purifia les deux
voiles et les tendances karmiques, atteignant ainsi l’éveil
dans la nature de grande félicité de Samantabhadri.
Comme il est dit :
Inconcevable est l’esprit du Bouddha Bhagavan.
Pour le bien des êtres,
Le corps permanent du Thatagatha
Se manifeste sous toutes sortes d’aspects.
et
Bien qu’ayant actualisé l’état de Bouddha depuis de
nombreux éons,
Encore et encore, vous montrez la manière [d’atteindre]
l’éveil.
Vous êtes expert dans les méthodes prodigieuses qui
subjuguent ceux qui doivent l’être.
Méprise que de voir des défauts dans cette
[habileté] réitérée.