Inconditionnalité

Hommage au Bouddha Amoghāsiddhi  [1] . Promptitude et vigilance anéantissent les peurs et obstacles. Tu es la préservation même de la félicité (tib. Dé Kyong). Il n’est cependant pas de protection, de protecteur et de protégé. Par sa nature inconditionnée et inconditionnelle, La félicité est indemne de nos illusions et souillures. Ignorance, distorsions et schémas sont conséquents les uns aux autres. Les voiles étant adventices, ils ne portent aucun préjudice à la nature de l’esprit. L’inconditionnalité de nature est le fait que félicité et vacuité co-émergent, Ce qui en fait le sceau de l’immunité de toutes fautes, Œuvre de la compassion de l’Éveil (sct. Bouddha) Par laquelle aucun être n’est dénué de Bodhicitta. Hommage au Bouddha Samayatāra  [2] Pour faire face à l’inconditionnalité abandonne tout espoir de contrôle. Il n’existe aucune entrave dès lors que l’on s’est décidé à la bienveillance. Il n’existe aucun obstacle dès lors que la lucidité de la Vue est assumée. Il n’existe aucune peur dès lors que la racine des passions est réalisée. Il n’existe aucun endommagement dès lors qu’on se joue de la discrimination. Il n’existe aucun échec dès lors que le samaya se conforme à la nature de l’esprit.

Hommage à l’intelligence toute effisciente, Sagesse toute opportune issue de l’union d’Amoghāsiddhi et de Samayatāra. En le chakra intime du corps vajra, préside la sphère d’activité du karmavajra  [3] . Sans anticipation ni appréhension, Exécutant le sens de la nature, L’inconditionnalité accompagne tout acte en toute opportunité (tib. Deun Yeu  [4] ). Quel obstacle pourrait-il advenir ?

Hommage aux Aryas Bodhisattvas dont l’application aux six paramitas  [5] les fait accéder à la puissance (tib. Ouang) du fruit où s’exécute l’effiscience (sct. Upaya).

L’excellence de la générosité accède à la puissance de cette ultime libéralité où « il ne se peut pas de ne pas faire don ».

Dépassant toute caractéristique vertueuse, non-vertueuse, mixte ou neutre, l’esprit en sa nature est inconditionnel à toutes contigences. L’excellence (sct. Paramita) de l’éthique puise en toutes intentions la nécessité de l’aspiration spontanée (tib. Meunlam Lhun gyi Droup).

L’intégrité à l’inconditionnalité de l’esprit trouve la force de la patience dont l’excellence, loin d’être une cynique endurance à la souffrance, est la persévérance enthousiaste qui considère l’illusion au profit de moyens habiles (tib. Tab Kyé).

Une confiance sans attente et inconditionnelle en tous les êtres et une compréhension de leur illusion s’acquiert par l’union de l’enstase (sct. Dhyāna, tib. Samtèn) et du discernement (sct. Prajñā, tib Shérab). La révélation à la sagesse pré-cognitive (sct. Jñāna, tib. Yéshé) fait naître une perspective qui surpasse le samsara comme le nirvana.

Hommage aux Yogacharyas qui prennent le risque

De déjouer les culpabilités de conventions

Et assument l’inconditionnalité de leurs samayas.

Par l’initial (sct. Bīja) Ah [6] ( eÓ:) se trouvent l’alpha et l’oméga de la vue, du fruit et de la conduite yogique.

Vue (])

Concept ou absence de concept de notre part, les apparences sont inconditionnées et inconditionnelles. Le Yogacharya [7] adopte la Vue pure dénuée de discrimination. Le Yogi jouit des apparences par simple respect à leur loisibilité.

Fruit ( :)

Libérer des trois cercles de la cognition, le Yogacharya contemple la connaissance (sct. Vidhyā, tib. Rikpa) inconditionnelle et inconditionnée par la soif, la saisie et la discrimination. Le yogi jouit de l’intelligence immédiate toute ordinaire (sct. Amalavijñāna).

Conduite ( e)

Laissant aux apparences elles-mêmes leur inconditionnalité, le Yogacharya se libère des huit mondanités en toutes activités. Ne s’épuisant pas à conforter la soif d’existence, la félicité subjugue la vanité. Maîtrisant l’attention sans distraction en la nature inconditionnelle de la connaissance, le yogi n’est plus à charge d’une pratique.

Hommage aux Yogis dont les quatre activités [8] s’exécutent au gré des projections de chacun et font miroir aux qualités de l’esprit libre et naturel : impavidité, libéralité, loisibilité et acuité.

Cette inconditionnalité est la force de la base, du chemin et du fruit.

Base

Dès lors que le Yogi s’appuie sur le prodige de l’inconditionnalité de la nature fondamentale, il n’existe aucun doute sur la portée de son activité.

Chemin

Intègre à cette inconditionnalité, le Yogi ne craint aucune réputation et ne cède à aucune complaisance, ni à aucune convenance. Il ne tergiverse pas et ne transige pas sous de pieux sentiments. Il ne fait pas de la vertu une posture religieuse et fait de la non-vertu un défi à la sincérité. Sa gratitude à ses maîtres comme à chacun n’est pas tarifée et le rend disponible pour toutes les vies à venir.

Fruit

Ce qui fut une aspiration devient un devoir inconditionnel (sct. amoghāsaṃkalpa) auquel personne, pas même un bouddha, ne pourrait le faire déroger.

J’ai écrit ces mots à l’attention d’élèves qui sont en voie de ressentir cette inconditionnalité.

Lama Shérab Namdreul

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[1] Amoghāsiddhi : Siddhi a le sens d’accomplissement ou d’aboutissement manifeste et Amoghā a le sens d’efficace, d’effiscient.

[2] La parèdre d’Amoghāsiddhi. Samayatāra, « celle qui fait traverser avec les samayas », représente l’excellence de l’élément air obtenu par l’application des samayas.

[3] Le karmavajra, parfois appelé « double vajra » est l’attribut d’Amoghāsiddhi dont l’opportunité du sens ne peut se faire qu’en union avec Samayatāra.

[4] C’est le nom tibétain pour Amoghāsiddhi qui littéralement veut dire « avoir sens », d’où ma préférence à nommer la sagesse toute opportune plutôt que sagesse toute accomplissante. À noter que « opportun » est le nom d’un vent marin connu pour « amener à bon port ».

[5] Les six vertus cardinales (générosité, éthique, patience, enthousiasme, enstase et discernement) trouvent leur excellence (sct. Paramita) respective en y associant la Vue de la vacuité. La Vue de l’inconditionnalité rajoute aux six premières paramitas la puissance de l’activité éveillée. Cette Vue accélère le chemin causal du Bodhisattva.

[6] C’est l’initial ou « lettre germe » d’Amoghāsiddhi

[7] Ici le terme Yogacharya n’est pas associé à la vue philosophique ni à leur adepte. Il est employé ici pour désigner celui qui adopte la conduite et les engagements (sct. Charya) du Yoga, et ce qui le distingue du Yogi (tib. Nèl Djor pa) qui a parfaitement unifié (Djor) l’esprit en sa nature (Nèl) et dépasse tout engagement.

[8] Pacification, épanouissement, contrôle et incisivité